D’une exposition à une journée de décélération
Le palais de Tokyo proposait une exposition INSIDE visible de Octobre 2014 à Janvier 2015. INSIDE est un parcours à travers des œuvres invitant le spectateur à immersion introspective.(dans lesquelles le spectateur est immergé, le conduisant alors vers une introspection.) Une invitation à la rencontre d’un espace intérieur tant physique, voir même physiologique et psychique.
(chacun vient rencontrer son espace intérieur autant physique que psychique (si tant est que nous séparons encore le corps et l’esprit)).
La première œuvre en suspension au dessus de l’accueil, relie différents poteaux de construction du palais tel un tissu conjonctif transparent. Chacun peut entrer et évoluer dans cette espace amovible au dessus du vide. Du bas de l’accueil, nous entendons les amusements, rires, et peurs des corps situés au dessus dans cette toile.
Plus bas dans une autre salle, une cabane en bois fenêtre ouverte. Une table au centre, une cruche sur la table. Un tabouret. Un banc. Une lampe industrielle éclaire depuis le plafond le dessus de la table. Et une pluie incessante venant du plafond martèle le sol, les objets et remplit la cruche d’eau qui déborde. Des gouttes perlent un peu partout et l’odeur de l’humidité associée à une fraîcheur, emplit l’espace au tour duquel le spectateur déambule.
Les œuvres résonnent ainsi avec une partie de nous même. Nous zoomons d’un espace interne microscopique, à l’immensité de l’espace psychique, dont les contours sont moins palpables, et qui n’existe que pour celui qui veut bien s’y aventurer (seul nous nous autorisons à ouvrir les portes.)
INSIDE est le temps d’un retour au corps et l’expérience de soi même. Un sentiment de décélération se produit dans ces environnements, dans lesquels se fait alors l’écho en soi d’un monde interne, plus silencieux et lent que l’espace urbain, qui sortit des murs du musée, va à grand train saturé nos sens. Cette exposition invite à une méditation. La méditation qui depuis quelques années trouve sa place dans nos sociétés occidentales. En faisant appelle à l’expérience sensible, en s’introduisant dans divers environnements, le corps prend le relais sur le cortical qui lui toujours déjà accélère, pense, fait, projette dans le futur. Le monde extérieur est lui toujours déjà en accélération, en quête de meilleur rendement tandis que le monde intérieur est lui toujours déjà plus lent.
L’humain plongé dans son environnement, une société sans cesse en accélération ou le transfert d’information, de réseau ne cesse de s’accroître, la saturation d’information opère. Et le cerveau dans cette masse brasse avec plus ou moins de rapidité et de « stress », mot couramment utilisé et sources de tous les maux dont la médecine ne saurait trouver d’autres explications. Qu’est-il vraiment ce stress ? Sinon une forme de réponse d’un organisme à un environnement.
(Le monde a t-il donc un corps ? Quel est le corps du monde ? Si le monde a un corps, les arbres probablement seraient les poumons, la terre la mère nourricière, les nappes phréatiques les liquides vitaux, les champs d’herbe la pilosité des espaces intimes… Et les humains que serions nous ? Un organe ? Une partie du cerveau ? Le cerveau sans doute, qui lui se met en branle et accroît sa capacité lorsqu’il reçoit des stimuli extérieurs. Sommes nous pour autant le centre du monde ? )
Alors cette exposition pour sa capacité à m’avoir fait vivre une expérience de décélération m’amène à la pensée suivante :
[ANNOTATION:BY ‘Auteur inconnu’ON ‘2015-07-06T18:55:39
‘NOTE: ‘« « A quoi vise l’art, sinon à nous montrer, dans la nature et dans l’esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience? Le poète et le romancier qui expriment un état d’âme ne le créent certes pas de toutes pièces ; ils ne seraient pas compris de nous si nous n’observions pas en nous, jusqu’à un certain point, ce qu’ils nous disent d’autrui. Au fur et à mesure qu’ils nous parlent, des nuances d’émotion et de pensée nous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps mais qui demeuraient invisibles telle l’image photographique qui n’a pas encore été plongée dans le bain où elle se révélera. Le poète est ce révélateur. […]
‘NOTE: »NOTE: ‘Remarquons que l’artiste a toujours passé pour un «idéaliste ». On entend par là qu’il est moins préoccupé que nous du côté positif et matériel de la vie. C’est, au sens propre du mot, un «distrait ». Pourquoi, étant plus détaché de la réalité, arrive-t-il à y voir plus de choses? On ne le comprendrait pas, si la vision que nous avons ordinairement des objets extérieurs et de nous-mêmes n’était une vision que notre attachement à la réalité, notre besoin de vivre et d’agir, nous a amenés à rétrécir et à vider. De fait, il serait aisé de montrer que, plus nous sommes préoccupés de vivre, moins nous sommes enclins à contempler, et que les nécessités de l’action tendent à limiter le champ de la vision.
‘NOTE: ‘ Henri Bergson. La pensée et le mouvant, 1938. PUF, Quadrige1990. p.149 à 151. »’]
Après la journée de la femme, de la fête des mères/des pères, du sida … nous pourrions créer une journée du ralenti , de la décélération. Chacun pourrait vivre au ralenti aller au travail en prenant 10 sec pour poser son talon, 20 sec pour transférer le poids de son corps jusqu’à son orteil, 3 sec pour le déséquilibre qui va engager le pas suivant, et recommencer la boucle de la marche. Et peut-être qu’arrivé minuit, certains ne seraient pas encore à la porte de leur bureau. Cette journée probablement commencerait avec beaucoup d’ennui, d’impatience de devoir se déplacer aussi lentement. Mais peut-être que chacun puiserait dans ses ressources et développerait des outils pour continuer le ralenti, et se l’approprier. Chacun aurait la responsabilité de sa décélération. Quand aux enfants dont le ralenti leur est difficile, ils regarderaient pour une fois les adultes sans avoir la pression de devoir marcher, faire du vélo ou savoir lire parce qu’ils ont l’âge de …
Le lendemain tout reprendrait comme avant ou pas tout à fait.